La volonté et le désaccord des médecins
- Faty
- 18 févr. 2016
- 3 min de lecture
Des centaines de médecins pratiquent des avortements chirurgicaux , cependant peu d'entre eux se vantent auprès de leurs confrères davoir rendu services aux femmes .Dans la profession l'IVG n'est pas un acte "noble".
Martin Winckler , médecin et écrivain témoigne "la gratification symbolique est nulle . L'avortement était gratifiant quand il était semi-clandestin , quand les médecins avaient l'impression d'aider , d'être dans les secrets de l'opprobre. L'indifférence est pire que l'adversité . " Pour certains médecins , l'IVG ne fait pas partie de la culture médicale car ils estiment que leur rôle est de soigner or l'IVG ne relève pas de la maladie . Les réticences sont aussi d'ordre religieux ou idéologique . Dans les faits ,certains médecins refusent d'interrompre des grossesses .Ils font jouer la "clause de conscience" , qui les autorise à ne pas pratiquer d'IVG pour des raisons "personnelles ou morales ". En face , leurs confrères avorteurs ont donc le sentiment d'être des médecins aux "mains sales" .Signe de cette dévalorisation , l'IVG reste l'un des actes les moins rémunérés , un avortement est rétribué de 200 à 220€ tandis qu'une fausse couche , qui correspond au même geste technique , rapporte 700€ . Pour Martin Winckler , une IVG devrait symboliquement être payé comme un accouchement car si donner la vie est quelque chose d'important , l'interrompre ne devrait pas être fait au rabais ."C'est un acte très dur pour les médecins et les femmes ont le droit d'interrompre une grossesse dans de bonnes conditions " .
Une autre marque de cette mise à l'écart est géographique : dans certains hopitaux les services d'IVG sont relégués au bout du couloir , à l'abri des regards. L'objectif est affiché : il faut éviter que les femmes qui avortent ne croisent des femmes enceintes. Mais , symboliquement , cet isolement permet de cacher ces avortements.
A Chateauroux , centre de plannification et d'IVG , les femmes sont accueillies dans une salle agrémentée d'un unique lit , souvent réquisitionné par les urgences. Ces dames attendent donc sur des chaises , dans le couloir .Une douleur supplémentaire pour les 350 patientes annuelles .Une sage-femme qui a démissionné en décembre le sait bien " Il n'y avait que des médecins intérimaires pour les consultations , raconte-elle , seules les sage femmes répondaient aux demandes d'IVG . Comme aucun médecin ne voulait s'embêter à faire des IVG chirurgicales , on faisait des IVG médicamenteuses jusqu'à quatorze semaines . Légalement , l'avortement par voie médicamenteuse n'est autorisé que jusqu'à neuf semaines d'aménorrhée ! ". Ce cas est extrême , mais en région parisienne d'autres hopitaux affichent des pénuries de médecins Le délai moyen de prise en charge est de neuf jours , quand la haute autorité de la santé en préconise cinq ... et 28% des structures ont plus de quinze jours d'attente.
D'après une gynécologue , en France , l'IVG est accessible à toutes les femmes . Seules 3000 vont avorter chaque année à l'étranger , nous sommes loin des pays du Sud , où près de 15% de la mortalité maternelle est liée à l'avortement clandestin . La pénurie existe mais elle s'inscrit dans la problématique générale du financement de notre système de santé . Le problème central , c'est la résistance de notre société à l'avortement . Plus de trente ans après la loi Veil , l'IVG reste tabou . Un tabou qui réapparait d'autant plus . Pour les militantes du planning familiale , les décrets du 22 août 2008 qui autorisent l'inscription des fœtus morts au registre de l'état civil quelque soit le stade de développement de l'embryon sont un nouveau recul . Ces textes cautionnent des arguments hors la loi des anti-IVG , désormais cette inscription n'est plus soumise à des limites d'âge , c'est à dire 22 semaines d'aménorrhée , ou de poids , c'est à dire 500g . Ce qui signifie que nous nous dirigeons vers la reconnaissance du statur juridique de "personne" à l'embryon , et donc vers la remise en cause du droit à l'avortement , et du droit des femmes à disposer de leur corps .

Le manque de formation , le désitéressement ... rare sont les jeunes médecins qui souhaitent faire des IVG , il n'y a quelques cours théorique sur l'IVG pendant des études de médecines , en pratique ils sont amenés à en faire en internat . " C'est paradoxale car c'est un acte assez désagréable et risqué que l'on laisse à faire à de jeunes inexpérimentés ,personnellement, je n'aimerais pas faire sa toute ma vie . Techniquement , ce n'est pas très interessant . Je laisse volontiers les IVG aux généralistes " témoigne un interne en gynécologie à Nantes .
Quelques diplômés , reprennent pourtant le flambeau de leurs aînés. Ce sont les nouveaux défenseurs de l'IVG mais malheureusement se sont des perles rares qui aujourd'hui se battent tant bien que mal pour que leurs confrères soient mieux formés .
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