top of page

Le procès de Bobigny

  • Brunet Salomé
  • 2 mars 2016
  • 3 min de lecture

Un temps fort des années précédant la loi Veil est le procès de Bobigny, qui a lieu en 1972 ; trois ans avant la loi Veil. Il met en accusation Marie-Claire Chevalier ainsi que sa mère et trois de ses collègues. Elles sont défendues par Gisèle Halimi, avocate devenue célèbre.

Gisèle Halimi et sa cliente, au sortir du procès de Bobigny

Marie-Claire a vécu une histoire tragique et pourtant banale, elle est violée par son petit ami et se fait avorter aidée de sa mère et de collègues de cette dernière. Les méthodes de l’époque étaient rudimentaires et non sans dangers. Dans une interview donnée au journal ‘’ choisir la cause des femmes ‘’ Marie Claire raconte les conditions de son avortement : «Alors ma mère a parlé à des collègues du métro, où elle travaillait. Finalement, une femme est venue. Elle a demandé de l’argent. Je ne sais pas comment ma mère s’est débrouillée : à l’époque, on avait cent francs pour vivre une semaine… La femme m’a mis une gaine de fil électrique. J’ai gardé ça trois semaines dans mon ventre. Et puis, une nuit, je suis

tombée de mon lit. J’étais par terre. Il y avait beaucoup de sang. La femme nous avait laissé l’adresse d’une clinique, au cas où il y aurait un problème. J’ai été transportée, en pleine nuit. A la clinique, un médecin est venu. Il m’a dit brutalement : « Vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ? » Ensuite, ils m’ont fait le curetage et une injection d’antibiotique, à froid, ce qui fait très mal, je le sais puisque je suis aide-soignante. A mon avis, c’était comme punition. » . Son petit-ami, auteur même du viol la dénonce quelques temps après. En effet après s’être fait arrêté pour vol dans une voiture, il promet au policier « une information qui peut les intéresser» contre sa libération et dénonce l’avortement de Marie-Claire. Cet avortement est condamnable de prison et d’une amende d’après l’article 317 du code pénal. De ce fait divers, l’avocate et ses clientes en font un procès, politique, social, en faveur de la loi sur l’IVG. Gisèle Halimi est d’ailleurs une amie de Simone de Beauvoir, auteure de la célèbre « liste des 343 femmes qui ont le courage de signer le manifeste « je me suis fait avorter » ». Marie-Claire Chevalier est à l’époque mineure, et passe donc devant le tribunal compétent le 11 octobre 1972, pendant une séance à huis clos, avant le procès des quatre majeures. Devant le tribunal de Bobigny, de nombreuses associations hurlent leur colère tel que « mouvement de libération des femmes » et on peut retenir une phrase : « L’Angleterre pour les riches, la prison pour les pauvres » puisque les femmes ayant des moyens partaient en Angleterre où l’avortement est légalisé depuis 1967. Marie-Claire est relaxée ayant pour le tribunal souffert de « contraintes d’ordres moral, social, familial auxquelles elle n’a pas pu résister. ». Pour les majeures l'audience est publique et se déroule un mois après, le 8 novembre 1972. De nombreuse personnes plaident en faveur des accusées, Gisèle Halimi, après une plaidoirie devenue historique demande au juge Casanova "du courage". Au terme de ce procès, Michèle Chevalier est condamnée à 500 francs d'amende avec sursis, deux de ses collègues sont relaxées et la troisième femme est condamnée à un an de prison avec sursis pour avoir pratiqué l'avortement. Si le ministère public fait appel, il laissera s'écouler le délai de prescription et l’audience n’aura jamais lieu et l’audience n’aura jamais lieu. Ce courage dont Monsieur Casanova a fait preuve, a donné un nouveau souffle à la bataille des féministes pour la légalisation de l'IVG. Sa décision résonne jusque dans les arcanes de l'Assemblée Nationale et sera un pas vers la loi Veil trois ans plus tard.


Comments


bottom of page